Vous avez dit Monsieur ?
- Sand Into the Wild
- 29 avr. 2022
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 20 oct. 2024
Suite à ma séparation, il m'a fallu effectuer certaines démarches administratives, puisqu'il s'agit d'une séparation de couple, de lieux de vie, de comptes. La vie quoi...
J'avais déjà constaté le sexisme administratif via différents témoignages,et pu voir que sur tous les contrats nous concernant tous les deux apparaissait systématiquement le nom de monsieur en premier, parfois avec le mien. J'étais chanceuse lorsqu'il était correctement orthographié, ou écrit intégralement.

Lui étant parti vivre chez sa compagne, il m'a fallu faire le nécessaire pour changer tous les prélèvements, le nom du titulaire des contrats. Cette charge s'ajoutant à tout ce que j'ai déjà à gérer au quotidien. Je ne lui reproche pas bien évidemment, il est normal que je gère ces changements, restant dans notre maison jusqu'à la vente. Il faut savoir que c'est lui qui, à ma demande, avait fait le nécessaire pour les différentes démarches administratives lorsque nous avions emménagé dans notre maison, je m'étais chargée de toutes les démarches liées aux enfants. Pour résumer, il m'a fallu faire le nécessaire pour ce que nous avions en commun, l'électricité, l'eau, internet, et pour ce qui m'incombait personnellement : mon salaire, mon assurance, les prélèvements sécurité sociale et mutuelle, mon abonnement téléphonique, les impôts...
J'ai mon numéro de ligne mobile depuis 1998, j'ai rencontré mon ex en 2003, il a effectué les démarches liées à nos lignes téléphoniques en 2018.
Quelle ne fut pas ma surprise il y a quelques semaines quand je me suis aperçue que j'avais été dépossédée de la titularité de ma ligne téléphonique ! Tout avait été mis au nom de monsieur, SANS MON ACCORD et je ne pouvais pas effectuer le moindre changement sur ma propre ligne, étant enregistrée comme simple utilisatrice.
J'ai donc du user mon temps à appeler mon opérateur, qui m'a indiqué que je devais avoir l'accord de monsieur, la ligne étant à son nom. Il a donc du appeler l'opérateur de son coté afin de donner son accord, avant que je rappelle de mon côté, et qu'on me dise "veuillez patienter, j'appelle monsieur pour être bien sûr qu'il ait donné son accord". Je vous ai perdu.e ? Oui c'est normal. Ce changement a été long, compliqué.
J'ai eu de la chance que monsieur accepte de me rendre la titularité de ma ligne. Ça pourrait être un motif pour casser les pieds, pour se venger... Il m'a d'ailleurs dit "pffff c'est compliqué". Il aurait pu choisir de laisser tomber, je m'en sors bien de ce côté. Ca s'est passé en bonne intelligence. J'imagine que c'est plus compliqué pour d'autres...
On m'a dépossédée de la titularité de ma ligne téléphonique sans mon accord
Pour la récupérer suite à leur erreur, il a fallu l'accord de mon ex et fournir le numéro de ma carte d'identité, ainsi que mon numéro de compte.
On peut dire, sans se mentir, que la charge mentale incombe majoritairement aux femmes, suffisamment d'études le montrent, le démontrent, les témoignages sont assez nombreux pour acter la charge mentale comme étant presque exclusivement féminine. C'est bien souvent elles qui, en plus de tout ce qu'elles gèrent déjà, font le lien avec les différents interlocuteurs, elles dédient donc une partie de leur énergie, de leur temps, à organiser et gérer ces interactions parfois bien pénibles. Et officiellement, on ne leur reconnait pas ce temps et cette énergie investis, on ne les reconnait pas, puisque tous les contrats sont au nom des messieurs ! Vous n'avez pas idée à quel point, en tant que femme en couple, il a été difficile de pouvoir mettre la main sur un justificatif de domicile de moins de trois mois, étant donné que je n'apparaissais sur quasiment aucun document.

Pourquoi toutes les administrations, entreprises, secteur privé ou secteur public, ajoutent toutes ces complications à ces femmes dont la charge mentale a déjà quoi rendre fou.folle n'importe qui ? Comment les choses peuvent évoluer dans les mentalités, masculines et féminines, si même les institutions dévaluent les femmes, leur reconnaissance, leur implication dans la gestion (sans compter tout le reste, encore une fois) ? Cette expérience, qui oui, peut paraitre anecdotique, est lourde de toute l'histoire de la femme, de toute cette lutte en vue d'une égalité de droits des femmes, une reconnaissance de tout ce qu'elles font gratuitement, une reconnaissance de tout ce qu'elles sont. J'ai eu le sentiment d'être revenue loin en arrière : du temps où les femmes ne pouvaient pas travailler sans l'accord de leur mari, ne pas avoir de compte bancaire, ne pas avoir droit de vivre pleinement leur corps.
Sous le code napoléonien, les femmes, considérées comme incapables majeures, étaient privées de droits juridiques et sous l'autorité des pères et maris
En 1881 elles sont autorisées à ouvrir un livret de caisse d'épargne et 14 ans plus tard, elles sont autorisées à y effectuer des versements et retraits sans l'aval de leur mari
En 1944 les femmes obtiennent le droit de vote
La loi du 13 juillet 1965 autorise les femmes à ouvrir et gérer un compte bancaire à leur nom, et à travailler sans l'accord de leur mari
La loi du 4 juin 1970 supprime le statut de chef de famille du code civil, et remplace la notion de puissance paternelle par l'autorité parentale commune
La loi Veil du 17 janvier 1975 dépénalise l'avortement, remboursée par la sécurité sociale à compter du 31 janvier 1982. (il a fallu une nouvelle loi le 27 janvier 1983 pour se prémunir des entraves à l'IVG)
Ça va rentrer un jour dans les têtes que nous ne sommes pas des robots, mais bien des êtres humains, représentant plus de la moitié de la population mondiale, que la MÈRE de chaque humain est une FEMME ? Que le respect n'est pas juste un mot pour faire joli, et que la lutte pour l'égalité des droits de la femme ne devrait même pas exister, l'égalité des droits des humains devrait être une évidence !
Édit du 4 mai 2022 : l'avortement est sérieusement menacé aux États Unis... La liberté de disposer librement de notre corps, c'est pour quand ?
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