Tu seras un homme mon fils !
- Sand Into the Wild
- 17 mai 2022
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 4 avr.
Voilà, j'ai un garçon. Un homme en devenir. Il sera grand. Il sera fort. Il réussira tout ce qu'il entreprendra. Il ne pleurera pas. Il ne connaitra pas l'échec. Il sera bon bricoleur. Il saura réparer sa voiture.

STOP !!! On parle bien souvent de la pression sur les épaules des futures femmes, mais pense-t-on à la pression sur les épaules des futurs hommes ? Une fille devra être bien élevée, dévouée, exécuter. Un garçon ne pleurera pas, se défendra, sera fort. Pourquoi une fille ne pourrait-elle pas être forte ? Pourquoi un garçon ne pourrait-il pas pleurer ? Dès le plus jeune âge, on met une pression sur les enfants, une pression de genre, une pression sociale. On parle souvent des travers des hommes, on dit que les choses doivent changer. Mais comment les hommes peuvent changer si dès petits garçons on leur explique qu'ils doivent cacher leurs émotions, se défendre, c'est à dire être violents si nécessaire, dominer ? Comment faire en sorte que les femmes ne s'oublient pas si on demande dès petites filles d'aider, de s'apprêter, d'obéir, de ne pas écouter leurs envies, besoins ?

Comment montrer aux futurs hommes que le partage des tâches au quotidien n'est pas impensable, quand on leur montre dès petits garçons que papa s'installe sur le canapé après le travail parce qu'il a eu une grosse journée ? Comment montrer aux futures femmes que ne pas s'oublier est important quand maman est effacée à la maison, la dernière assise à table, la dernière couchée, peu importe son état de fatigue ? Bien évidemment je grossis le trait, et caricature, mais est-ce le cas pour tout, tous ? Je crois que la majorité des femmes souhaitent voir une évolution, et pas mal d'hommes aussi. Mais c'est vraiment lutter contre les stéréotypes, que l'on retrouve dans les publicités, les idées reçues, les idées cadeaux de fêtes des pères, mères, anniversaires, Noël, stéréotypes qu'on retrouve jusque dans le langage. Pour la fête des mères, ou Noël, combien se sont vues offrir un appareil électroménager ? En quoi un appareil électroménager est un cadeau personnel ? L'électroménager bien souvent va servir à soulager tout ce qui concerne le quotidien, qui majoritairement incombe aux femmes. Faire cadeau d'un appareil électroménager ne sera donc pas une cadeau pour la femme à qui on l'offre, mais à la ménagère. Combien se sont vus offrir une perceuse, ou tout autre outil de bricolage ? S'agit-il d'un cadeau fait à un homme, ou plutôt à "l'homme à tout faire" de la maison ? Ce genre de cadeaux n'ajoute-t-il pas de la pression sur les épaules "genrées" à qui il est fait, aussi bienveillante que soit cette attention ? Vous est-il déjà arrivé de vivre ou d'assister à une discussion contraire aux stéréotypes ? Par exemple, un couple dans un magasin de bricolage, où c'est madame qui bricole et où monsieur l'accompagne ? Le vendeur s'adressera systématiquement à monsieur, puisqu'à ses yeux, c'est lui le bricoleur. L'inverse est vrai aussi pour ce que l'on penserait être plus orienté féminin. Vous est-il déjà arrivé, en voyant un enfant seul, perdu, qui pleure, d'avoir comme première pensée "Où est sa maman ?", plutôt que "Où est son parent ?" "Où est la personne qui l'accompagne ?" On s'oriente tout de suite vers une réflexion genrée, parce qu'elle renvoie à ce qui est profondément ancré en nous. Combien ont déjà pensé qu'un homme gérant absolument tout à la maison était faible, efféminé, dominé par une femme castratrice ? Combien ont pensé qu'une femme qui réussit dans sa vie professionnelle a une sacrée paire de couilles, n'a pas de vie privée, délaisse ses enfants ? Une femme pensera d'abord à ses enfants, son mari, son quotidien, son travail, et éventuellement à elle. Un homme pensera d'abord à lui, puis à sa femme, puis à ses potes, puis à son travail puis à ses enfants. Ce n'est pas une réalité pour tous, mais un schéma dans lequel beaucoup se retrouvent. Et finalement on pointe du doigt ceux qui s'écartent un peu de ce schéma, jugeant un homme "faible" s'il s'occupe du ménage, une femme égoïste si elle privilégie sa carrière. Donc comment changer les choses, les mentalités, si on reste ancrés dans ces stéréotypes ? Déjà, il faut en prendre conscience. Ne pas juger l'autre pour commencer, s'il n'est pas dans le moule, en quoi ça nous regarde ? On peut l'écouter si on est curieux, qu'on a envie de comprendre ce qui le motive dans le fait d'être différent (si l'autre a envie de partager bien sûr). Être bienveillant...
Si mon garçon veut porter du rose, en quoi est-ce gênant ? S'il pleure, en quoi est-il faible ? S'il connait l'échec, en quoi ça n'en fait pas un homme ?
Si ma fille souhaite jouer au foot, en quoi est-ce gênant ? Si elle n'aime pas les jupes et qu'elle a les cheveux courts, est-ce-que ça fait d'elle un garçon manqué ?
On peut aller plus loin dans la réflexion, concernant tous les enfants, garçons et filles, que l'on va brider bien souvent, par la façon dont on les guide dans leur épanouissement. Un enfant, dès son plus jeune âge, va s'exprimer, sans forcément maîtriser la façon dont il s'exprimera. Il s'exprimera dans un premier temps par des pleurs, parce qu'il manifestera une émotion, une souffrance, la faim par exemple, le froid, la fatigue. Il va comprendre assez vite que les pleurs font venir un parent, qui comblera ses besoins. Les pleurs exprimant un besoin recevront donc une réponse positive, puisque leurs besoins seront comblés. L'enfant évoluant, il apprendra d'autres façons de communiquer, le câlin, le rire, la parole, les gestes. Bien souvent il s'exprimera de façon innée, en manifestant par exemple sa rage et sa colère par des cris, parfois il tapera. La réaction qu'il recevra en réponse sera que non on ne crie pas, on ne tape pas. Certaines réflexions lui seront dites en grandissant : "Pleurer c'est pour les filles" (ou pour les faibles), "pleurer ça sert à rien", "tu dois être fort.e", "arrête de chouiner on dirait un bébé !" ...

Au final l'enfant intériorisera ses émotions, ses blessures, puisqu'il aura appris que non, il ne faut pas les exprimer, que les manifester de manière naturelle, innée, n'est pas la réponse sociale qui convient. En grandissant encore, l'enfant évoluera, devenant un futur adulte, dans son corps, dans son esprit, toujours en reproduisant ce qu'il a appris : Il ne faut pas communiquer. Ses interrogations, angoisses, resteront enfouies en lui, il traversa l'adolescence seul, le plus souvent. S'il n'a pas encore connu de blessures, il va découvrir que ses parents ne sont pas parfaits, et que les amitiés peuvent changer, que le monde des adultes n'est pas ce monde parfait de l'enfance. Peut-être qu'il se réfugiera sur les réseaux sociaux, sur lesquels il cherchera des réponses qui ne sont pas du tout la réalité, mais il ne sait pas que les réseaux sociaux sont bien loin de la réalité... Il continuera à grandir, tant bien que mal, pour devenir un adulte non communicant. Et tout ce qu'il n'exprimera pas, s'imprimera en lui....
Arrêtons d'envoyer des messages contradictoires à nos enfants : "Ne pleure pas", "arrête de crier", "exprime toi", "ne porte pas de jupe mon fils", "ne fais pas du foot ma fille", "vis tes rêves !" Comment voulez-vous que ces adultes en devenir, ces humains qui se construisent comprennent comment ils doivent être ? Laissons leur l'espace de découvrir, d'expérimenter, de tester, c'est leur vie qu'ils vivent, pas la vie dont vous rêvez pour eux. Ne leur mettez pas vos propres attentes sur leurs épaules, accompagnez-les sans les écraser !
Pour conclure, je dirais que plutôt que d'essayer de nous mettre les uns les autres dans des cases dès le plus jeune âge, plutôt que de nous juger les uns les autres, plutôt que de mettre de la pression sur les épaules des enfants, nous devrions prendre conscience de ces schémas ancestraux, les désapprendre et / ou en apprendre des plus adaptés, nous soutenir, nous aimer, et nous voir en tant qu'êtres humains.

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